La règle « à travail égal, salaire égal » impose en principe de verser le même salaire à deux salariés effectuant le même travail. Lorsqu’une entreprise a deux établissements distincts, dans des lieux où le coût de la vie est différent, peut-elle verser des salaires différents ?

 

Éléments du débat

La règle « à travail égal, salaire égal ». En 1996, la Cour de cassation a jugé que « l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un et l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique » . La Cour a ensuite admis des différences de traitement à condition qu’elles « reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence » (ancienneté, expérience, ...). Les juges n’exigent pas que les salariés exercent des fonctions strictement identiques, mais appliquent la règle entre salariés exerçant des fonctions différentes dès lors qu’elles impliquent un niveau de responsabilité, de capacité et de charge physique ou nerveuse comparable. On dit que les salariés font un travail « de valeur égale » .

 

Établissements distincts. La règle « à travail égal, salaire égal » a déjà été appliquée entre des salariés d’établissements différents, mais à chaque fois, les juges ont considéré qu’il n’existait pas de raisons objectives matériellement vérifiables de nature à justifier une inégalité de traitement.

 

Affaire Renault. Le constructeur automobile verse des salaires légèrement supérieurs aux salariés de la région parisienne qu’à ceux de son établissement de Douai au motif que le coût de la vie est plus élevé en Île-de-France. Une organisation syndicale demande au juge de reconnaître l’atteinte à la règle « à travail égal, salaire égal » et par suite de condamner l’employeur à régulariser les salaires de l’établissement de Douai. Son argument est simple : l’égalité de traitement s’apprécie par rapport au travail effectué et non par rapport à l’environnement économique, extérieur aux tâches des salariés.

 

Solution. L’argument est rejeté par les juges : « la disparité du coût de la vie invoquée par l’employeur pour justifier la différence de traitement qu’il avait mise en place entre les salariés d’un établissement situé en Île-de-France et ceux d’un établissement de Douai était établie » de sorte que « cette différence de traitement reposait sur une justification objective et pertinente »(Cass. soc. 14.09.2016 n° 15-11386) . Ainsi, la règle « à travail égal, salaire égal » ne s’apprécie pas uniquement au regard du travail fourni mais aussi en fonction d’éléments extérieurs, tels que le coût de la vie entre les bassins d’emploi.

 

Éléments à retenir

 

Prouver. Dans cette affaire, l’employeur a gagné parce qu’il avait parfaitement justifié la différence de traitement entre des salariés travaillant dans des bassins différents par le coût de la vie différent. Il s’était appuyé sur des documents incontestables.

 

Conseil. Il est recommandé, avant de décider un traitement différencié, de disposer d’études fiables, émanant d’organismes reconnus tels que l’Insee.

 

Simplifier le débat ? La différence de traitement peut résulter soit d’une décision unilatérale de l’employeur, soit d’un accord collectif. Lorsque la différence de traitement émane d’une décision unilatérale de l’employeur, il lui appartient d’apporter la preuve d’une justification objective et vérifiable en cas de contestation. Tous les exemples de cet article concernent des décisions unilatérales. En revanche, les différences entre des catégories de salariés opérées par accord collectif sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (Cass. soc. 27.01.2015 n° 13-22179 ; Cass. soc. 08.06.2016 n° 15-11324) . L’inégalité de traitement prévue par un accord collectif est présumée justifiée.

 

 L’employeur peut décider unilatéralement de rémunérer différemment des salariés effectuant le même travail dans des bassins d’emplois différents dès lors qu’il justifie de la disparité du coût de la vie entre ces bassins par des éléments objectifs dont le juge contrôle la réalité et la pertinence.

 

 

Tag(s) : #ACTUALITE JURIDIQUE

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