Horaires, rémunération, mobilité… Pour savoir ce que l’employeur peut imposer à son salarié, la jurisprudence distingue les modifications qui touchent à l’essence du contrat de travail des simples changements des conditions de travail.
Comment distinguer modification du contrat de travail et changement des conditions de travail ?
Un contrat écrit tient « lieu de loi » aux parties conformément à l’article 1134 du code de civil. La modification du contrat de travail porte sur un élément essentiel de la relation entre l’employeur et le salarié (Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 1996, pourvoi n° 93-41137 et 93-40966 – Article L1233-3 du code du travail). La modification doit être approuvée par les deux parties. Lorsque c’est un élément accessoire de la relation qui est jeu, on parle de changement des conditions de travail.
Les éléments essentiels, sont ceux qui constituent le contrat de travail :
- Le lien de subordination
- Les fonctions
- La rémunération
La loi ne dresse pas la liste de tous les éléments essentiels dans un contrat de travail. En effet, les parties ont pu contractualiser certains éléments et donc les rendre essentiels à la relation de travail. Il revient donc aux juges d’apprécier, au cas par cas, si l’employeur a procédé à une modification du contrat ou à un simple changement des conditions de travail.
Il a ainsi été jugé que :
- un allongement de la durée hebdomadaire de travail constitue une modification du contrat (Cour de cassation, chambre sociale, 20 octobre 1998, pourvoi n° 96-40614). Dans la mesure où cette modification affecte la rémunération ou lorsque la durée du temps de travail est contractualisée (dans le cadre du temps partiel). La modification de la durée du travail doit au préalable faire l’objet d’une consultation et d’une information du Comité d’entreprise et de l’inspection du travail.
- Les heures supplémentaires ne constituent pas une modification du contrat de travail, mais un simple changement des conditions de travail. En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut demander à ses salariés d’effectuer des heures supplémentaires. Le refus du salarié peut constituer une faute, et faire l’objet d’une procédure disciplinaire. Les heures supplémentaires doivent être accomplies dans la limite du contingent annuel (durée légale de 220 heures par an, cette durée pouvant varier en fonction de la convention collective en vigueur). Néanmoins, le recours systématique aux heures supplémentaires, peut constituer une modification du contrat de travail.
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Un réaménagement des horaires ne constitue qu’un changement des conditions de travail (Cour de cassation, chambre sociale, 22 février 2000, pourvoi n° 97-44339) ; « sauf atteinte excessive du droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l’instauration d’une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l’employeur » (Loi Aubry II et Cassation chambre sociale 3 novembre 2011 n°10-14.702). Le changement des horaires de travail, peut constituer une modification du contrat de travail, dès lors que ce changement a un impact direct ou indirect sur la durée du travail, la rémunération ou bouleverse l’économie du contrat (exemple : passage à un horaire de jour à un horaire de nuit, passage d’un horaire continu à un horaire discontinu, passage d’un horaire fixe à un horaire variable etc).
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une mutation de Lyon vers Lille constitue une modification du contrat de travail ; en revanche, une mobilité dans le même secteur géographique (défini en fonction du réseau de transport et de la distance entre le site initial et le nouveau site) constitue un changement des conditions de travail (Cour de cassation, chambre sociale, 3 mai 2006, pourvoi n° 04-41880). Néanmoins si le contrat de travail prévoit une clause de mobilité, la mutation constitue un changement des conditions de travail. La clause de mobilité doit être écrite dans le contrat de travail ou prévue par la Convention Collective en vigueur (le salarié doit être informé de l’existence de cette convention collective)
- L’altération des responsabilités et des fonctions constitue une modification du contrat de travail (Cour de cassation, chambre sociale, 30 mars 2011, pourvoi n° 09-71824) ; en revanche, l’octroi de nouvelles tâches qui correspondent à la qualification du salarié constitue un simple changement des conditions de travail (Cour de cassation, chambre sociale, 23 juin 2010, pourvoi n° 08-45368). La Jurisprudence a estimé qu’il y a une modification du contrat de travail dans les cas suivants : retrait de responsabilité, réduction à des tâches secondaires, retrait de procuration ou de délégation permettant au salarié de signer certains documents, déclassement, rétrogradation disciplinaire.
La modification du contrat de travail
L’employeur peut-il modifier librement le contrat de travail ?
Non. Toute modification du contrat de travail nécessite l’accord du salarié. L’employeur qui impose unilatéralement une modification du contrat de travail est en tort. Dans ce cas, le salarié peut porter l’affaire devant le Conseil de prud’hommes pour :
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retrouver ses anciennes conditions de travail ;
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ou faire constater que l’employeur a commis une voie de fait (comportement portant ouvertement atteinte à ses droits). De ce fait, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou demander la résiliation judiciaire de son contrat afin de bénéficier des effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A savoir : L’acceptation d’une modification du contrat de travail doit être matérialisée par la signature d’un avenant au contrat. La seule poursuite par le salarié de son travail aux nouvelles conditions n’est pas suffisante (Cour de cassation, chambre sociale, 16 novembre 2005, pourvoi n° 03-47560).
Le salarié dispose d’un délai de réflexion
L’employeur qui souhaite modifier le contrat de travail du salarié est tenu de lui laisser un délai de réflexion, qui varie selon que :
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la modification du contrat a un motif économique (dégradation de la conjoncture, baisse récurrente du chiffre d’affaires, etc.) : dans ce cas, l’employeur informe le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, en lui précisant qu’il dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître sa décision (article L. 1222-6 du Code du travail). Passé ce délai, il sera réputé avoir accepté la modification ;
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la modification a une cause autre qu’économique (sanction, réorganisation de l’entreprise, etc.) : dans ce cas, l’employeur doit laisser au salarié un délai raisonnable, apprécié en fonction de la situation.
Si l’employeur ne respecte pas le délai de réflexion, la modification du contrat sera considérée comme nulle.
Que se passe-t-il en cas de refus du salarié ?
L’employeur a deux options. Il peut renoncer à modifier le contrat de travail. Mais il peut aussi décider de licencier le salarié. Le licenciement doit alors s’appuyer sur le motif à l’origine de la modification refusée, et l’employeur doit respecter la procédure correspondante. Par exemple, si le salarié refuse une mutation de lieu de travail motivée par la fermeture de son site d’origine, l’employeur devra engager un licenciement pour motif économique.
Le changement des conditions de travail
L’employeur peut-il librement changer les conditions de travail ?
Oui. L’employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, imposer au salarié un changement de ses conditions de travail. Le salarié ne peut s’opposer à ce changement que s’il démontre qu’il porte une atteinte excessive aux droits du salarié, notamment au respect à sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, qu’il s’appuie sur un motif discriminatoire ou qu’il vise à lui nuire (Cour de cassation, chambre sociale, 12 mars 2002, pourvoi n° 99-46034- et Cour de cassation, chambre social 3 novembre 2011 n°10-14.702).
Le principe d’une modification des horaires de travail relève du pouvoir de direction et qu’une modification de l’heure de prise ou de fin de poste ne nécessite pas l’accord du salarié pour rendre la mesure effective, il existe cependant des exceptions, l’employeur ne peut pas imposer un horaire discontinu alors que l’horaire était jusque-là continu (Cass. soc., 18 décembre 2000, n° 98-42.885) ; et vice versa (Cass. soc., 6 juill. 2004, no 02-44.331).
L’article L3123-12 du Code du travail dispose que le salarié est en droit de la refuser lorsque la modification est incompatible avec un motif familial impérieux, le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur ou l’exercice d’une activité professionnelle salariée ou indépendante.
Que se passe-t-il en cas de refus du salarié ?
Le refus par le salarié d’un changement de ses conditions de travail constitue une faute professionnelle, que l’employeur peut sanctionner. L’employeur peut notamment aller, si les faits le justifient, jusqu’au licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnités.
Le cas des salariés protégés
Spécificité des salariés protégés : leur accord est toujours nécessaire, même pour une simple modification de leurs conditions de travail. En cas de refus, l’employeur doit choisir entre :
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garder le salarié dans ses conditions de travail actuelles ;
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engager la procédure de licenciement du salarié protégé, qui suppose l’accord préalable de l’inspecteur du travail.