Fractionnement des congés - Jours supplémentaires
Lorsque la fraction des congés prise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, en une ou plusieurs fois, est au moins égale à 6 jours, le salarié bénéficie de deux jours ouvrables de congés supplémentaires ; il bénéficie d'un jour de congé supplémentaire lorsque cette fraction comprend 3, 4 ou 5 jours de congé.
Pour l'appréciation du droit au congé supplémentaire, les jours du congé principal au-delà de 24 jours ouvrables ne sont pas pris en compte.
a) Fractionnement de la 5e semaine
En posant que la durée du congé pris en une seule fois ne peut excéder vingt-quatre jours ouvrables, l'article L. 3141-18 du Code du travail introduit un fractionnement obligatoire correspondant à la cinquième semaine.
Le fractionnement de la cinquième semaine n'entre donc pas dans le cadre de l'article L. 3141-18 du Code du travail et n'appelle pas l'avis des délégués du personnel ou l'agrément des salariés (Cass. crim., 25 févr. 1992, Bull. civ. V, no 87 ; Cass. crim., 16 sept. 1992, no 91-84.348, ch. mixte, 10 déc. 1993, no 87-45.188, Bull. civ. V, no 1).
Dès lors, le fait pour un directeur d'avoir unilatéralement opéré ce fractionnement, sans l'assentiment des salariés, n'est pas susceptible d'incrimination pénale (Cass. crim., 25 févr. 1992, no 90-86.099, Semaine sociale Lamy, no 601). Il n'entraîne pas le droit à des jours de congé supplémentaires.
Toutefois les dispositions conventionnelles antérieures à la législation de la cinquième semaine qui instituaient des jours de congé supplémentaires correspondant à une cinquième semaine et accordaient des jours de fractionnement pour cette cinquième semaine, ne sauraient être tenues pour caduques (Cass. soc., 4 avr. 1990, no 87-40.267).
b) Modalités de fractionnement du congé principal
Entre 12 jours ouvrables et 24 jours ouvrables, le fractionnement est une faculté soumise aux règles suivantes.
1. Modalités
Le fractionnement du congé annuel est seulement possible :
au cas où le fractionnement se combine avec une fermeture de l'établissement, sur avis conforme des délégués du personnel et, en l'absence de délégués du personnel, avec l'agrément des salariés (l'agrément des salariés doit s'entendre de l'accord de la majorité d'entre eux) (C. trav., art. L. 3141-18). L'agrément des délégués du personnel peut prendre la forme d'un accord qui s'impose à l'ensemble des salariés (Cass. soc., 5 nov. 1986, no 84-42.894, Bull. civ. V, p. 383).
Attention : une entreprise qui ferme 4 semaines dans une période incluant un jour férié (sauf si ce jour est un dimanche), opère, ce faisant, un fractionnement car elle n'a accordé que 23 jours ouvrables (Cass. soc., 20 oct. 1998, no 96-17.652, Semaine sociale Lamy, 2 nov. 1998, no 907, p. 13) ;
au cas où les congés sont donnés par roulement (voir no 2101) avec l'agrément des salariés concernés (C. trav., art. L. 3141-18).
Le congé doit comporter une fraction continue de douze jours ouvrables, qu'il s'agisse du fractionnement d'un congé individuel pris par roulement ou d'un fractionnement se combinant avec une fermeture. Les conventions collectives peuvent évidemment allonger la durée de la fraction continue.
Cette fraction continue doit être attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre. Mais des dérogations peuvent être apportées à cette règle par accord individuel ou accord collectif (Cass. soc., 6 juill. 1994, no 93-42.360).
La nécessité d'obtenir l'avis conforme des délégués du personnel, lorsque le fractionnement s'accompagne d'une fermeture, exclut que l'employeur puisse imputer sur la cinquième semaine des jours supplémentaires de fermeture accolés à la fermeture annuelle de 4 semaines, sans l'accord des délégués du personnel (Cass. soc., 22 juill. 1986, no 85-41.716, Bull. civ. V, p. 358).
Jours de congés supplémentaires
Lorsque la fraction des congés prise en dehors de la période du 1ermai au 31 octobre, en une ou plusieurs fois, est au moins égale à six jours ouvrables, le salarié bénéficie de deux jours ouvrables de congés supplémentaires.
Il bénéficie d'un jour de congé supplémentaire lorsque cette fraction comprend trois, quatre ou cinq jours ouvrables de congé (C. trav., art. L. 3141-18).
Pour l'appréciation du droit au congé supplémentaire, les jours du congé principal au-delà de 24 jours ouvrables ne sont pas pris en compte.
Ces jours de congés supplémentaires sont indemnisés : chaque journée donne droit au paiement d'une indemnité journalière de congés payés.
Il faut préciser par ailleurs que les jours de congés supplémentaires au titre du fractionnement se cumulent avec les congés conventionnels plus longs que les congés légaux. Dans la mesure où la loi accorde ces jours pour fractionnement, sans considération de la nature du congé fractionné, ils ont un caractère spécifique.
La Cour de cassation se prononce en ce sens : « Le droit aux jours de congés supplémentaires naît du seul fait du fractionnement et se trouve acquis, même dans le cas où l'employeur fait bénéficier ses salariés d'un congé conventionnel plus long que le congé légal, sauf clause dérogatoire. »Cass. soc., 23 nov. 1994, no 90-44.960, Semaine sociale Lamy, no 722
c) Renonciation du salarié
Le fractionnement engendre des congés supplémentaires, que ce fractionnement intervienne à l'initiative de l'employeur ou qu'il intervienne à la demande du salarié (Rép. min., JOANQ 21 févr. 1970). C'est le fait du fractionnement qui fait naître le droit aux jours de congés supplémentaires (en ce sens, Cass. soc., 8 juin 1972, no 71-40.328, Bull. civ. V, p. 387 ; Cass. crim., 27 mars 1973, no 72-90.942, Bull. crim., p. 365 ; Cass. soc., 26 mars 1997, no 94-43.100).
Toutefois, lorsque le salarié est demandeur du fractionnement, l'employeur peut subordonner son accord à sa renonciation au congés supplémentaires de fractionnement. La Cour de cassation a en effet admis que la direction puisse, par note de service, poser en règle que l'autorisation de fractionnement du congé serait subordonnée à la renonciation aux jours de congés supplémentaires (Cass. soc., 9 nov. 1981, no 79-42.713, Bull. civ. V, p. 649).
Mais la renonciation ne se présume pas. La renonciation doit être individuelle (Cass. soc., 19 juin 1987, no 84-44.970). Une note de service est donc inopérante à elle seule (Cass. soc., 17 déc. 1987, no 85-41.979, Bull. civ. V, p. 486).
A défaut d'une renonciation individuelle, le salarié serait fondé à demander le paiement des jours de congés supplémentaires à titre de dommages-intérêts (Cass. soc., 4 nov. 1988, no 86-42.349, Cah. prud'h. 1989, p. 15 ; Cass. soc., 22 janv. 1992, no 88-43.843).
En pratique, l'employeur peut introduire, dans la fiche individuelle de demande de congé, une renonciation expresse aux jours supplémentaires de fractionnement signée par le salarié afin d'éviter tout litige.
Observations
Dans le cadre du compte épargne-temps, le salarié peut reporter une partie de ses congés payés (voir no 1322) . Se pose alors la question de savoir si ce report peut ouvrir droit aux jours de congés supplémentaires pour fractionnement ?
Dans la mesure où l'article L. 3141-18 du Code du travail prévoit qu'« il est attribué deux jours ouvrables de congés supplémentaires lorsque le nombre de jours de congé est pris en dehors de la période et au moins égal à 6 et 1 seul lorsqu'il est compris entre 3 et 5 jours », on ne peut considérer les jours de congés capitalisés dans le cadre du compte épargne-temps comme étant pris.
Fractionnement du congé principal
L'article L. 3141-18 du Code du travail, qui prévoit et organise les règles de fractionnement des congés payés, comporte plusieurs alinéas dont l'articulation est précise.
Une salariée avait demandé à prendre ses congés du 1er au 18 juin, puis du 7 au 15 septembre. L'employeur avait de son côté accepté de fractionner ses congés du 1er au 14 juin, puis du 7 au 15 septembre. La salariée ayant prolongé ses congés jusqu'au 18 juin, a été licenciée pour faute grave.
Pour dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient que dès le mois d'avril, la salariée avait fait savoir à son employeur qu'elle n'acceptait pas le fractionnement qui avait été fait de ses congés.
Dans son pourvoi, l'employeur reprochait aux juges de ne pas avoir vérifié la teneur de la convention collective applicable au regard de l'article L. 3141-18, arguant que des dérogations peuvent être apportées à cette disposition légale, soit après accord individuel du salarié, soit par convention ou accord collectif d'établissement.
Mauvaise analyse du texte, selon la Cour de cassation : « Les dérogations prévues à l'alinéa 4 de l'article L. 3141-18 du Code du travail ne concernent que les modalités selon lesquelles les congés payés peuvent être fractionnés, aucune dérogation ne pouvant être apportée au principe, posé par l'alinéa du même article, selon lequel le fractionnement n'est possible qu'avec l'agrément du salarié ».
Pour autant, l'arrêt de la cour d'appel est censuré : « Attendu cependant, que la salariée qui prend des congés fractionnés, bien qu'ayant exprimé son désaccord sur les dates retenues par l'employeur, ne peut fixer unilatéralement la date de reprise de son travail ».
(Source : Cass. soc., 10 mars 2004, no 01-44.941, no 534 FS-P)
Remarques
L'analyse du texte fait par la Cour de cassation, et notamment de l'articulation des alinéas, est parfaitement convaincante. Elle privilégie une interprétation littérale de l'alinéa 3, auquel il peut être dérogé et qui vise la période de prise du congé principal, le nombre de jours de congés supplémentaires auquel ouvre droit le fractionnement et les conditions de prise des jours restant. Relève du domaine de l'alinéa 2 et nécessite impérativement l'agrément du salarié le principe du fractionnement ainsi que la fraction de congés qui seront pris en continu.
Sur l'autre aspect de l'arrêt, la Cour rappelle qu'en dépit de son désaccord sur les dates de ses congés, le salarié ne peut fixer unilatéralement la date de son retour et qu'un tel agissement peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave. La jurisprudence va généralement dans ce sens, sauf faute de l'employeur (Cass. soc., 3 juin 1998, no 96-41.700, Bull. civ. V, no 294).
Il nous semble qu'il serait dans l'esprit de cette jurisprudence de considérer que le fait pour l'employeur de ne pas avoir obtenu l'agrément requis par la loi constitue une faute qui, si elle ne légitime pas nécessairement le passage en force de la salariée, ne la rend pas passible d'un licenciement.