Pour la CGT, le lieu de travail doit rester un lieu de réalisation et d’expression des solidarités entre collègues. Aujourd’hui encore, le travail donne sens à la vie. De nombreux salarié(e)s, malgré les 35 heures, passent plus de temps auprès de leurs collègues qu’auprès de leur famille et ami(e)s. Pourtant, il faut constater que le travail lui-même peut faire violence, même si, en règle générale, le salarié n’est plus taillable et corvéable à merci et qu’il bénéficie d’un statut social et de droits juridiquement reconnus. L’entreprise a l’obligation de respecter les salarié(e)s comme le stipulent le Code du travail, les Codes civil et pénal, les textes internationaux, notamment ceux de l’OIT, et les conventions collectives.

Au travail, les violences se manifestent sous des formes variées :

  • Les agressions verbales et, plus rarement, physiques,
  • Le harcèlement sexuel et, plus insidieusement, moral,
  • les licenciements et les plans sociaux qui en sont encore une autre forme.

Toutes ces situations ont en commun de bafouer le respect dû à chaque salarié(e), et de dégrader ses conditions de travail et de santé.

Or, si certaines formes de cette violence sont parfois médiatisées, on parle en général très peu de la souffrance des victimes et de leurs séquelles. Et le plus souvent, l’entreprise refuse de donner la parole à celles et ceux qui subissent, ou estiment subir, les vexations, les brimades et les pressions diverses, et elle s’arrange pour que la situation reste en interne.

Les nouveaux projets managériaux, l’individualisation des relations de travail, la course à la rentabilité sont, en particulier, à la source de ces agissements. Contrairement à l’idée reçue, ces conflits n’intéressent pas que certaines personnes concernées par un problème de personnalités ou d’incompatibilité. Le phénomène a une vraie dimension sociale et la responsabilité de la direction d’entreprise à travers son mode d’organisation fait bien partie du processus.

Nous refusons la banalisation du harcèlement. Nous pensons que la reconnaissance des droits collectifs des salarié(e)s sont des freins à l’individualisation et à la déshumanisation des rapports professionnels, et des rapports sociaux en général. Cependant, il faut bien reconnaître que malgré la loi et les textes contraignants, ce n’est pas suffisant. De plus en plus de salarié(e)s sont remis en cause dans leur identité et leur dignité, et cette violence atteint leur santé.

Toute agression, à des degrés divers, atteint la victime dans son intégrité : physiquement et psychiquement. Chaque personne réagit non seulement en fonction de son état au moment de l’agression, mais aussi de son histoire personnelle. La disqualification, le discrédit, les réprimandes, les sous-entendus, les allusions, les haussements d’épaule, les « yeux au ciel », les moqueries, les mises à nu (le dévoilement de la vie privée), répétés pour un oui ou pour un non pendant des semaines, voire des mois, déstabilisent et peuvent aller jusqu’à provoquer des maladies et des accidents.

Nous le savons toutes et tous : Les faits de violence au travail peuvent survenir entre les différents protagonistes de l’entreprise - collègues, encadrement, direction - et ils peuvent toucher tout le monde, y compris les plus solides d’entre nous. Les stratégies de harcèlement peuvent relever d’un individu aux tendances perverses qui se défoule au travail, ou encore d’une stratégie d’entreprise visant au plan social (à venir ou en cours). Parfois, un harceleur peut faire le jeu de la direction qui le « couvrira », jusqu’au moment où une instance (syndicat, CHSCT, prud’hommes) prendra les choses en main. Dans la sphère privée ou au travail, le harceleur poursuit le même but : obtenir la soumission ou la démission de la victime.

Pour « casser » celle-ci, le harceleur cherche à l’atteindre petit à petit (à doses homéopathiques), non seulement en la dévalorisant plus ou moins ouvertement mais constamment au niveau de ses compétences professionnelles, et en portant atteinte à sa personnalité entière (par des remarques sur son physique, sur sa tenue vestimentaire, sur sa vie privée...). Par exemple, il peut éviter systématiquement de saluer la victime, de s’adresser à elle, s’éloigner dès qu’elle arrive afin que s’organise vis-à-vis d’elle une « quarantaine ». Le harcèlement peut aussi reposer sur une dégradation de ses conditions matérielles de travail : l’emplacement et la taille de son bureau, les moyens de communication mis à sa disposition. Bref, une dégradation de tous les avantages annexes qui sont la marque de considération et de reconnaissance de son statut par l’entreprise.

Quels que soient les procédés employés, le harcelé entame une lente descente aux enfers car le harceleur n’avoue jamais ses intentions. C’est surtout le cas chez un harceleur aux tendances perverses qui n’agit pas sur commande de la direction, mais selon un fonctionnement dont il n’a pas lui-même nécessairement conscience. Ce qui n’excuse rien !

Le but du harceleur, c’est de faire en sorte que sa victime soit convaincue que tout est de sa faute (il ou elle fait tout mal, se trompe tout le temps, est trop lent(e) etc.).

Dans le cas d’une réorganisation du travail, c’est souvent l’éviction du salarié « gênant » qui est visée :

  • le nouveau venu dans une équipe qui dérange les habitudes,
  • une ou un salarié « trop âgé » que la direction veut pousser vers la sortie,
  • quelqu’un qui n’accepte pas les nouvelles méthodes de management, qui conteste son encadrement, qui s’oppose à des changements qu’il juge négatif pour l’entreprise,
  • celui ou celle qu’on veut pousser vers la porte car il y a quelqu’un d’autre à placer,
  • celui ou celle qui est « trop souvent » malade, qui a un problème d’alcool, qui est dépressif (voire trop triste), qui ne se soigne pas...
  • ou encore celui ou celle qui a « trop de diplômes », qui va trop vite dans la hiérarchie, etc.

Les motifs sont trop nombreux pour les énumérer ! C’est dans ce cas-là qu’apparaissent les « mises au placard » (dorés, parfois !), toujours déprimantes, déstructurantes et destructrices, car la ou le salarié se sent inutile, isolé et dévalorisé. C’est aussi une intimidation pour tous ceux qui ne sont pas harcelés mais craignent d’être le prochain sur la liste et qui, de ce fait, seront enclins à accepter des organisations nouvelles du travail qu’ils auraient refusées s’ils n’avaient pas cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. N’est-ce pas de fait un système totalitaire ?

Des chercheurs, des sociologues, des psychologues étudient ces phénomènes de harcèlement et cherchent à objectiver les situations. Les travaux de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l’Emploi et de la Solidarité ont mis en évidence durant les vingt dernières années une évolution négative de la situation. Ils ont constaté que les facteurs suivants qui se développent favorisent le harcèlement moral :

  • la mise en avant de la concurrence, de la rentabilité,
  • la pratique du flux tendu,
  • la multiplication des stages et des CDD,
  • le travail à temps partiel...

Les horaires de travail s’adaptent aux besoins de l’entreprise et non à ceux des salariés, la formation professionnelle fait une part de plus en plus réduite aux formations de type « enrichissement personnel ». Les nouvelles tâches liées aux outils informatiques nécessitent une attention plus soutenue, une vigilance accrue et un constant effort intellectuel...

De plus, une certaine pratique managériale présente les entretiens individuels, avec fixation de responsabilités et d’objectifs souvent trop élevés, et une évaluation individuelle, comme des éléments de motivation. Mais ils risquent surtout de déstabiliser le salarié en raison des conséquences possibles sur son salaire et son emploi. Par exemple, l’obligation de résultats échappe souvent à tout repère objectif et la qualité du travail peut aussi donner lieu à des appréciations qui vont du subjectif au malveillant. Le salarié sous pression, déstabilisé, qui a perdu confiance en lui et qui, dorénavant, aura peut-être du mal à se concentrer, est de fait de plus en plus fragile. Le pervers va s’engouffrer dans cette faille et accentuer ses pressions sadiques. Le processus de destruction s’emballe.

Le harcelé perd peu à peu tout ce qu’il est en droit d’attendre de son entreprise ou de son service : le respect de sa personne, la considération pour son travail. Son statut et son métier sont attaqués. Le harceleur a atteint sa victime dans sa dignité, dans le respect qui lui est dû en tant qu’être humain.

Quel que soit le procédé utilisé, c’est toujours de non-reconnaissance qu’il s’agit. L’estime de soi est atteinte. C’est une blessure narcissique qui peut conduire, à la longue, à un état dépressif, voire à une dépression franche.

Les conséquences du harcèlement sur la victime : Le harcèlement moral est un processus insidieux qui se développe dans le temps. Il est basé sur la répétition et ses effets se font remarquer peu à peu et se concrétisent dans le temps.

Au départ la victime ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle ne pense pas à se défendre, persuadée que la situation va s’arranger d’elle-même. Elle cherche donc à se justifier et rentre ainsi, petit à petit, dans le jeu du harceleur. Face à quelqu’un de mauvaise foi ou de pervers, tout argument logique va tomber dans le vide !

Les conséquences sur la santé du harcelé, sur son comportement et sa vie professionnelle et familiale vont aller en s’aggravant. Confusion, doute, anxiété, stress, angoisse, peur, isolement, épuisement, irritabilité, agressivité et/ou auto-agressivité, tremblements et, à long terme :

  • le choc et la décompensation,
  • les problèmes familiaux qui s’ensuivent, comme le divorce,
  • les accidents psychosomatiques dus au stress (par exemple, l’ulcère à l’estomac),
  • mais aussi les accidents physiques (chutes, fractures), et parfois les maladies graves en raison de la baisse des défenses immunitaires due à un stress permanent.

Sur le plan professionnel :

  • la succession d’arrêts de travail, démotivation, parfois invalidité,
  • la mise à l’écart et les sanctions pouvant aller jusqu’à la démission ou le licenciement.

Le harceleur agit toujours à l’abri du regard des autres. Il protestera même de sa bonne foi quand la victime viendra à se plaindre à ses collègues ou lorsqu’il devra rendre des comptes à autrui sur son attitude malsaine, voire criminelle ! Le harceleur tente toujours d’isoler sa victime. En règle générale, il n’aura pas plusieurs victimes à la fois pour éviter qu’elles ne se solidarisent pour se défendre. Le harceleur est un manipulateur. A-t-il toujours besoin de complices dans le système pour que ça fonctionne ? C’est une question qu’il faut se poser pour combattre !

Combattre le harcèlement dans l’entreprise, c’est ne pas resté isolé.

Il faut parler :

  • à ses proches,
  • si possible à ses collègues,
  • à un(e ) déléguée du personnel,
  • au syndicat de votre choix,
  • à l’assistante sociale,
  • aux membres du CHSCT.

Il faut noter :

  • consigner dans un cahier tous les faits, les mots, les paroles,
  • noter les dates, les circonstances, le nom des témoins s’il y en a, etc.

Il faut chercher de l’aide :

  • consulter un ou une professionnelle (psychothérapeute),
  • essayer dans son temps de loisirs de gérer son stress (yoga, sophrologie, sports, spectacles, etc.),
  • et si rien ne se règle, rencontrer le médecin et l’inspecteur du travail, voire faire appel à la justice (avocat et prud’hommes).

À la CGT nous sommes toujours à l’écoute lorsque vous rencontrez ce genre de problème et nous pouvons vous aider à en sortir.

Dans tous les cas, il est indispensable que les faits soient reconnus. Cette reconnaissance n’a nullement pour but d’enfermer la personne dans le statut de victime, elle va au contraire lui permettre de sortir de cette situation de violence subie et de retrouver toute sa place dans la communauté professionnelle. Le harcèlement moral conduit à un véritable meurtre psychique. Il est de la responsabilité de tous de l’empêcher.

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