Ils sont de la même génération, ils viennent de la même ville, ils ont fréquenté la même école, ils font tout deux de la politique. Et pourtant...

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« Étoile montante de la bourgeoisie française, champion en devenir, vous êtes promu à l’international.

En 2012, vous suivez, dans la même promotion qu’Édouard Philippe et que Cédric Villani, le programme « Young Leaders  » de la French-American Foundation, réservé aux jeunes « à fort potentiel de leadership et appelés à jouer un rôle important dans leur pays et dans les relations franco-américaines ».

Deux années de séminaire pour assurer, s°il en était encore besoin, chez nos dirigeants, chez vous, un conformisme de la pensée : atlantiste, mondialiste, libre-échangiste. De quoi, plus concrètement, grossir votre carnet d’adresses.

Et ce sont bientôt, avant même d’être ministre, les portes du Bilderberg qui s’ouvrent à vous. Ce groupe, confidentiel, réunit chaque année une centaine de personnalités des affaires, de la politique, des médias. Nul « gouvernement secret », non, juste une courroie de transmission, une de plus, pour diffuser la même pensée, atlantiste, mondialiste, libre-échangiste. Pour que, à l’abri des regards et des caméras, les élites se parlent franchement, règlent leurs montres quant à la marche du monde. Pour que se renforcent, toujours, les « réseaux d’interconnexion », cet autre capital de l’oligarchie.

Quitte à donner le tournis, je vais citer ici une palanquée de noms, d'institutions, pour livrer une esquisse, brouillonne, de ces « interconnexions » : Henri de Castries, PDG de AXA, préside alors le comité de direction du groupe Bilderberg. Il est également (on cumule, dans ces milieux) le président du très libéral Institut Montaigne. Dont le directeur, pour l’anecdote, est votre « ami de longue date », Laurent Bigorgne, qui hébergera à son domicile votre mouvement « En Marche ! » à son lancement (et se rendra lui aussi au Bilderberg). Henri de Castries patronne, à ses heures perdues, le Collège des Bernardins, où il fréquente, parmi d’autres, Bertrand Collomb (ancien PDG de Lafarge, membre du Bilderberg et de laCommission trilatérale), Patricia Barbizet (qui dirige la holding de la famille Pinault, présidente duclub Le Siècle, au comité directeur du Bilderberg et de la Commission trilatérale), Anne Lauvergeon (ancienne présidente d’Areva, de la Commission trilatérale), Michel Pébereau (ex-PDG de BNP Paribas, président un temps de l’Institut AspenFrance), un lieu très spirituel, donc, les Bernardins, détaché des contingences, où une fois président vous donnerez une conférence sur « le lien qui s’est abîmé », qu’il faut « réparer », « entre l’Église et l’État ».

Aux Bernardins, Henri de Castries côtoie, et je voulais en venir là, Jean-Pierre Jouyet. Des amis, eux aussi, et de longue date là encore : ils ont suivi ensemble une formation d’officier de réserve dans leur jeunesse, puis l’Ena dans la promotion Voltaire, la même que François Hollande, que Ségolène Royal, que Dominique de Villepin, que Michel Sapin, etc.

Dans la carrière, autant Henry Hermand serait votre grand-père, autant Jean-Pierre Jouyet est votre parrain. Marié à une richissime héritière de la famille Taittinger, une Brigitte elle aussi (qui siège au conseil d’administration de Suez, de HSBC France, de la Fnac-Darty, du Centre Pompidou), il est passé de la direction du Trésor à celle de la banque Barclays, des socialistes tendance Gracques (rose très pâle) à secrétaire d’État aux Affaires européennes de Nicolas Sarkozy : la politique, la banque, la haute administration, il a tout fait. En 2005, il dirige l’inspection générale des Finances, et il vous prend sous son aile : « C’était un truc qui nous rapprochait, confie-t-il, le côté chrétien. » Bras droit de François Hollande, c’est lui qui vous introduira dans l’équipe de campagne. C’est lui encore qui vous recommandera comme « secrétaire général adjoint » de l’É1ysée.

Lui-même devenu « secrétaire général », enfin, il appuiera votre nomination comme ministre de l’Économie et vous l’annoncera en personne, ravi de ce joli coup. Et c’est donc lui, auparavant, qui vous a proposé pour le groupe Bilderberg. Lors de cette réunion à Copenhague, vous retrouvez Mario Monti, avec qui vous aviez déjà sympathisé à la commission Attali, etc. J’arrête là, on a compris l’esprit : le grand monde est un petit monde, qui se croise et se recroise.

Dans cette sociabilité bourgeoise, bien établie, fort dense, vous vous insérez comme une pièce d'un grand puzzle. Et après ça, vous venez proclamer : « Je me suis fait tout seul ! » C’est la plus aboutie de vos macroneries, je trouve, ce « Je me suis fait tout seul ! ». Ils sont invisibles, vraiment, pour vous, ces mille liens, si resserrés, si discrets, dont votre parcours a bénéficié, à toutes ses étapes, et que dans cet univers, en fait, on ne nomme pas « piston » mais poliment « relations » ? » …/...

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