Vous connaissez désormais la série et la saison 1 qui a débuté en décembre 2018 avec le Conseil de Prud’hommes de TROYES, qui aurait dû prendre fin avec les avis de la Cour de cassation de début juillet 2019 selon certains mais c’est sans compter sur les héros résistants de cette série, certains conseillers prud’hommes brandissant l’arme conventionnelle.
Vous pouvez consulter ce jugement rendu après les avis de la Cour de cassation le 26 juillet 2019 mais n’y faisant pas mention: Jugement CPH Nevers Macron 26 juillet 2019.
Rappelons que dans quelques jours, les Cours d’appel de Paris et Reims doivent statuer, seront-ils les dignes défenseurs de la conventionnalité ou ceux du côté obscur de la force en suivant la Cour de cassation qui a donné un avis plus politique que juridique ?
Rendez vous le 26 septembre !
Après un épisode important de résistance des juges du fond aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail définissant les plafonds d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation est récemment venue trancher la question du respect du droit international par le plafonnement légal imposé (v. Cass., avis, 17 juill. 2019, n° 15012 et n° 15013, Dalloz actualité, 18 juill. 2019, obs. T. Coustet ), en s’appuyant sur le fait que l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT, dont l’exigence de « réparation appropriée » ou « adéquate » doit être comprise comme réservant aux États parties « une marge d’appréciation ».
La résistance semble toutefois persister, puisque le conseil de prud’hommes de Grenoble avait le 22 juillet à nouveau écarté le barème (Cons. prud’h. Grenoble, 22 juill. 2019, n° 18/00267, Dalloz actualité, 24 juill. 2019, obs. T. Coustet ). Et c’est dans ce même baroud d’honneur que s’est lancé le 26 juillet 2019 le Conseil de prud’hommes de Nevers.
Dans l’espèce, la requérante avait saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir diverses indemnités. Parmi celles-ci, la salariée va demander une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant excédant les plafonds fixés par le barème du code du travail auxquels elle pouvait prétendre. Vient alors à se poser la délicate question du chiffrage de ces indemnités et de la possibilité, pour le juge, de s’affranchir du texte légal à l’aide du droit conventionnel.
Il s’agissait d’une salariée – aide à domicile – qui avait quitté son emploi consécutivement au refus de son employeur de la déclarer aux organismes sociaux. La rupture est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au titre de l’indemnité de licenciement, le conseil applique le barème prévu par l’article L. 1235-2 et condamne l’employeur à une indemnité de 393,22 €. Mais compte tenu du préjudice subi et du comportement de l’employeur, le conseil ajoute une indemnité de 2 500 € réparant le préjudice subi par la salariée.
Le conseil de prud’hommes de Nevers, en dépit de l’avis rendu par la Cour de cassation sur la conventionalité du barème issu de l’ordonnance n° 2017-1387, écarte donc ce dernier en estimant le plafond normalement applicable à la salariée « dérisoire » au regard du préjudice subi par celle-ci. Au soutien de sa décision, les juges vont à l’appui de leur argumentation invoquer l’article 24 de la Charte sociale européenne ainsi que l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT, en opposition nette avec le raisonnement tenu par la chambre sociale moins de 10 jours avant.
Si l’avis de la Cour de cassation ne lie pas juridiquement les juges du fond, force est de reconnaître que les chances de voir la décision infirmée sont très élevées. De sorte que cette solution est aussi porteuse d’un fort message « politique » adressé aux hauts magistrats, mais aussi aux juges d’appels devant lesquels arriveront très bientôt de nouveau les contentieux portant sur la conventionalité de l’article L. 1235-3.
Jugement CPH NEVERS 26 JUILLET 2019