La mesure phare du président, qui encadre les indemnités en cas de licenciement abusif, a été déclarée conforme aux engagements internationaux de la France.
Cela devrait être un immense soulagement du côté du ministère du Travail, rue de Grenelle. Saisie pour une demande d'avis par les conseils des prud'hommes de Louviers et de Toulouse, la Cour de cassation considère que la mesure phare du début de mandat d'Emmanuel Macron, qui encadre le versement d'indemnités aux prud'hommes en cas de licenciement injustifié, ne méconnaît pas les engagements internationaux de la France.
Cet avis*, rendu public mercredi 17 juillet à 14 heures, aura d'autant plus de force qu'il a été décidé en formation plénière par la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, c'est-à-dire par la première présidente de la Cour par intérim, Laurence Flise, entourée des présidents des six présidences de chambres que compte l'institution. Selon nos informations, la délibération a été très longue, preuve de la complexité juridique exceptionnelle de la question posée.
La Cour de cassation renverse, au passage, sa jurisprudence en acceptant de contrôler la conformité d'un texte français à des conventions internationales signées par la France au travers d'un simple avis et non après un recours en cassation dans une affaire précise. Lors de l'audience du 8 juillet, l'avocate générale avait plaidé en ce sens au motif qu'il y avait « une véritable urgence à venir unifier la jurisprudence ».
Les sept juges chevronnés estiment que le barème d'indemnités aux prud'hommes, qui encadre en nombre de mois de salaire brut (jusqu'à 20 mois à partir de 29 ans d'ancienneté) les montants que peuvent accorder les prud'hommes aux salariés en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, ne contrevient en rien au droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention de sauvergarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La convention 158 de l'OIT respectée
Mais c'est surtout la compatibilité avec la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) et avec la Charte sociale européenne qui faisait débat. Brandis par de nombreuses formations de prud'hommes pour écarter l'application du barème Macron, ces deux textes prévoient que les juges doivent être habilités à ordonner le versement d'une « indemnité adéquate » ou toute autre forme de « réparation considérée comme appropriée ». Deux termes avec lesquels l'application d'un barème, prévoyant un minimum et un maximum d'indemnisation, était incompatible, selon les syndicats de salariés.
Les juges ont au contraire estimé que l'article sur le barème instauré dans les ordonnances du 22 septembre 2017 ne posait pas de problème. L'article 24 de la Charte sociale européenne n'a pas d'effet direct en droit français, selon la Cour, qui répond ainsi à une question jusqu'ici non tranchée. Elle « s'est fondée, pour cela, sur les termes de la partie II de la Charte et sur ceux de l'article 24 qui lui sont apparus comme laissant une trop importante marge d'appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s'en prévaloir dans le cadre d'un litige devant les juridictions judiciaires nationales », explique-t-elle, dans sa note explicative accompagnant son avis.
La Cour de cassation estime par ailleurs que le droit à la réparation « appropriée » ou à une « indemnité adéquate », posé par l'OIT – une organisation qui regroupe 187 États, de l'Afghanistan au Zimbabwe –, est respecté en droit français. Elle a en effet retenu que le terme adéquat « devait être compris comme réservant aux États parties une marge d'appréciation ».
Le barème peut en effet être écarté en cas de nullité du licenciement, en cas d'atteinte à une liberté fondamentale, de harcèlement moral ou sexuel ou de discrimination. Lors d'une audience tenue lundi 8 juillet, l'avocate générale avait plaidé pour la conformité du barème vis-à-vis de l'article de la convention 158 de l'OIT. Elle a visiblement convaincu les juges.
Cet avis aura d'autant plus de force qu'il a été rendu par la Cour de cassation en formation plénière et non pas par sa seule chambre sociale. Théoriquement, les prud'hommes seront toujours libres, à l'avenir, d'écarter le barème en motivant leur décision, mais ils auront beaucoup plus de mal à justifier une telle décision qui devrait à l'avenir être cassée en appel, ou en cassation. Saisie d'un cas au fond dans le futur, la chambre sociale de la Cour de cassation peut toutefois elle aussi théoriquement encore écarter le barème, mais cette hypothèse semble hautement improbable. « J'imagine assez mal la chambre sociale aller contre l'avis décidé en formation plénière », confie un avocat expert en droit social.
Emmanuel Macron et sa ministre du Travail, Muriel Pénicaud, peuvent donc savourer une victoire judiciaire, mais aussi politique, eux qui espéraient que le barème, en sécurisant l'employeur en lui permettant de savoir à l'avance à quoi il s'expose en cas de licenciement contesté, puisse favoriser l'embauche. C'est bien là que réside le problème.
Les syndicats ne veulent pourtant pas rendre les armes. « La résistance des conseils de prud'hommes et des cours d'appel est possible puisque ce n'est qu'en les confrontant à des situations concrètes que l'on réalise à quel point les barèmes sont dérisoires et ne permettent pas de réparer le préjudice des salariés injustement licenciés », estime la CGT dans un communiqué.
Un recours devant la Cour Européenne de Justice est actuellement en cours.
Source: Le Point