Fausses fiches de paye, fausse attestation, défraiement gonflé… Deux beaux-frères qui siégeaient au collège employeur de la section commerce sont convoqués mardi au tribunal pour s’expliquer.
Convocation peu ordinaire, ce mardi, au tribunal correctionnel de Bobigny. La 15e chambre, spécialisée dans les affaires financières et les escroqueries, a convoqué à la barre deux conseillers prud'homaux. Ils ont 66 et 67 ans, sont beaux-frères, et soupçonnés d'escroquerie et de faux.
Ils ont siégé jusqu'en mars
Tous deux siégeaient jusqu'en mars à la section commerce, collège employeur, et sont présidents d'audience. Ils ont été désignés par le Medef et la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises).
Le premier est coiffeur. C'est un visage familier du conseil où il siège depuis plus de vingt ans. Il se voit notamment reprocher d'avoir artificiellement gonflé ses notes de défraiement.
Les vacations sont indemnisées selon un taux horaire, majoré lors des jours d'activité de l'entreprise. Un employeur qui siège pendant que son entreprise est ouverte percevra davantage que s'il siège un jour de fermeture. Et le prévenu aurait indûment perçu plusieurs milliers d'euros, entre 2014 et 2018, en n'indiquant pas que son commerce était fermé certains jours.
Le supposé manager était en fait retraité
Mais il est aussi renvoyé devant la justice pour avoir fourni de fausses feuilles de paye et une attestation à son beau-frère, assurant qu'il était manager dans son salon, alors que ce dernier était retraité. Et c'est sur la base de ces documents, que le beau-frère a pu siéger au conseil de prud'hommes de Bobigny au début de l'année 2018.
C'est ce qui ressort de l'enquête qui avait été confiée à la police judiciaire de Seine-Saint-Denis, suite à des dysfonctionnements signalés par des conseillers au cours de l'été 2018.
« On est tombé des nues »
Les deux hommes ont été placés en garde à vue au début de l'année 2019. Le retraité parisien nous a fait savoir fin mai qu'il n'avait aucun commentaire à faire avant le procès. Quant à son beau-frère, il n'a pas donné suite à nos sollicitations.
« On est tombé des nues ! », explique Valérie Perrin-Terrin, secrétaire générale de la CPME. « Le Medef nous a demandé de prendre des candidats à eux, poursuit-elle. Quand on les reçoit, on vérifie si aucune pièce ne manque, que l'attestation sur l'honneur est bien fournie et on les scanne pour le ministère. Nous n'avons pas la possibilité de contrôler les fiches de paye. Nous aurions bien aimé avoir des explications de ce monsieur, mais malgré nos courriers, il n'a pas daigné se présenter et nous a fait savoir par courrier qu'il démissionnait. »
Affaire embarrassante
Le coiffeur est quant à lui retourné au conseil de prud'hommes depuis. « C'était pour signer une motivation (de jugement) », croit savoir Chérif Maloum, président employeur du conseil de prud'hommes, visiblement embarrassé par cette affaire.
Sans s'avancer sur le fond de l'affaire, il tient à souligner la « disponibilité » de ce conseiller. « Comme son salon n'était pas très loin du conseil de prud'hommes, détaille Chérif Maloum, lorsqu'il y avait des défections de conseillers, le greffe l'appelait et il venait. Ça permettait de ne pas annuler l'audience. »
Qu'adviendra-t-il des décisions rendues ?
L'affaire fait tousser au-delà du conseil de prud'hommes, et pas seulement en termes d'image. Car si la justice reconnaissait l'usurpation de qualité pour le beau-frère, qu'adviendrait-il des décisions rendues par la formation où il a siégé pendant un an ?