Plusieurs conseils de prud’hommes, chacun leur tour, ont remis en cause ce barème. 

Le 5 février 2019, un juge professionnel du conseil de prud’hommes d’Agen (départage) a également écarté le barème Macron des indemnités prud’homales. 

Dans un jugement du 9 avril 2019, c’est le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux qui refuse d’appliquer le plafonnement prévu par l’article L1235-3 du Code du travail.

En attendant, la Cour d’appel de Paris, qui doit statuer prochainement sur la conventionnalité du barème, lors d’une audience du 23 mai 2019 en présence du Parquet Général qui donnera son avis.

Analyse : le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux est dans la lignée de nombreuses autres contestations du barème Macron.

La décision d’inconventionnalité du barème Macron par les juges prud’homaux de Bordeaux n’est pas étonnante : elle s’inscrit dans la lignée de nombreuses décisions déjà rendues, refusant l’application de ce barème. 

3.1) De nombreux conseils de prud’hommes en formation paritaire ont écarté l’application du barème.

Le plafonnement des indemnités prud’homales a été remis en question par de nombreuses juridictions prud’homales 

Ces dernières, devant lesquelles l’inconventionnalité du barème a été soulevée, n’ont pas appliqué le barème et ont ainsi dépassé les maxima d’indemnisation prévus.

En effet, depuis 2018, les jugements en défaveur de ce barème se multiplient, notamment :

  • Conseil de Prud’hommes de 22 novembre 2018. 
  • Conseil de prud’hommes de Troyes, 13 décembre 2018 (RG n°18/00036) : "ces barèmes sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables" ;
  • Conseil de prud’hommes d’Amiens : • 19 décembre 2018 (RG n°18/00040) : "il y a lieu pour le Conseil de rétablir la mise en place d’une indemnité appropriée réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse" ; • 24 janvier 2019 (RG n°18/00093) ; 
  • Conseil de prud’hommes de Lyon : • 21 décembre 2018 (RG n°18/01238) : "l’indemnisation du salarié est évaluée à hauteur de son préjudice". • 7 janvier 2019 (RG n° 15/01398) ; • 22 janvier 2019 (RG n° 18/00458) ; 
  • Conseil de prud’hommes de Grenoble, 18 janvier 2019 (RG n°18/00989) ;
  • Conseil de prud’hommes d’Angers, 17 janvier 2019 (RG n° 18/00046). 

Pour invalider le barème, les Conseils de Prud’hommes se sont appuyés tantôt sur l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT, tantôt sur l’article 24 de la Charte sociale européenne, tantôt sur les deux.

L’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT prévoit qu’en cas de licenciement injustifié, les juges doivent être habilités, en l’absence de réintégration, « à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

Les juges se sont également basés sur l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 qui garantit « le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

En s’appuyant notamment sur ces deux textes, les juges ont affirmé que le barème est contraire au principe d’une répartition adéquate ou appropriée.

3.2) Le juge départiteur du conseil de prud’hommes d’Agen a également écarté l’application du barème Macron.

Le 5 février 2019, le Conseil de prud’hommes d’Agen a rendu un jugement dans le même sens.

Or, ce jugement a été rendu par un juge départiteur, ce qui donne plus de poids à ce jugement.

C’est la première fois qu’un juge professionnel affirme de manière claire et non équivoque que le barème Macron prévoit un plafonnement qui contrevient aux normes internationales puisqu’il ne permet pas une réparation appropriée du préjudice subi par le salarié licencié sans cause réelle ni sérieuse.

Ainsi, tous les arguments développés par les détracteurs du barème ont été entérinés par le magistrat.

Cependant, il faut souligner que certains jugements reconnaissent plein effet au barème, en s’appuyant sur l’absence d’effet direct des dispositions internationales dans les litiges employeur-salarié.

Ainsi, le jugement du Conseil de Prud’hommes de Bordeaux s’inscrit dans la continuité d’une opposition de la part juges du fond.

S’il est possible de se réjouir de ces décisions qui initient peut-être une vague de résistance des juges du fond face au plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient cependant de rester prudents dans l’attente de décisions des Cours d’appel et, à terme, de la Cour de cassation qui aura le mot de la fin quant à l’inconventionnalité du barème.

D’autant plus qu’à l’inverse des décisions précitées, certains Conseils de prud’hommes ont au contraire affirmé la parfaite conventionnalité du barème de l’article L. 1235-3 du Code du travail.

3.3) L’avis du Parquet Général à venir (audience devant la Cour d’appel de Paris le 23 mai 2019).

Le 14 mars 2019, la chambre sociale de la Cour d’appel de Paris a entendu les plaidoiries d’avocat lui demandant de s’affranchir du barème Macron.

La Cour d’appel a décidé de demander l’avis du parquet général.

L’affaire a été renvoyée et l’audience se tiendra le 23 mai 2019 devant la Cour d’appel de Paris en présence du Parquet Général. Le délibéré sera probablement rendu courant juillet 2019.

La présence du parquet général résulte de la circulaire du 26 février qui demande au ministère public de se porter partie jointe aux appels des décisions ayant écarté l’application du barème.

Ainsi, ce nouveau plafonnement des indemnités prud’homales fait l’objet de nombreuses controverses.

Restreignant grandement le montant des sommes auxquelles peut prétendre un salarié qui saisit le conseil de prud’hommes à la suite à un licenciement sans cause (surtout pour les salariés ayant une faible ancienneté (inférieure à 3 ans), les justiciables tentent de contourner ce barème.

Le délibéré de l’affaire, qui se plaidera devant la Cour d’appel de Paris le 23 mai prochain, est très attendu.

Source : Village justice

 

Décision CPH Agen 5 2 2019

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