Dans son communiqué du 18 février 2019, la fédération du commerce et des services se félicitait de la victoire des six salariés d’Amazon Logistique qui avaient saisi le Conseil des Prud’hommes aux fins d’obtenir l’application de la convention collective sur leur niveau de classification. Nous applaudissons tous cette grande victoire comme n’importe quelle autre menée par nos camarades.
Si certaines luttes sont médiatisées, à l’instar de celles d’Alika Diagne Cgt de Monoprix du XIème arrondissement à Paris, de Mickaël Wamen Cgt ex-Goodyear,de Gaël Quirante, Sud la Poste, d’Alice Gorlier, Cgt chez Ondulys, Jean-Bernard Gervais, journaliste et membre du bureau national du Syndicat national des journalistes, François Jacob Cgt du Vieux-Collège de Magnac-Laval, d’autres combats restent étrangement dans l’ombre, un peu comme une petite maladie honteuse que l’on tenterait de dissimuler...........
Quelles en sont les raisons ? l’indignation serait elle devenue sélective ?
Ainsi le 15 février, le tribunal administratif de Nantes a ordonné pour la deuxième fois en huit mois à la direction Nord-Ouest d’Elior Restauration (Elres) de réintégrer Annabelle , une militante CGT du commerce qui avait fait l’objet d’un licenciement pour « faute » en 2015 suite à des « incohérences » dans le remboursement de ses notes de frais.
Cette habitante de Longueau, aujourd’hui âgée de 54 ans et qui avait été recrutée à Amiens par l’entreprise de restauration collective en 1993, estime que ce licenciement est en réalité « motivé par son mandat syndical», selon son avocat, et est donc « discriminatoire».
Membre du comité d’établissement et conseiller du salarié, cette ancienne comptable de la cuisine centrale de la Ville d’Amiens avait déjà fait annuler ce premier licenciement par le même tribunal administratif de Nantes en juillet 2018.
Problème : entre-temps, en avril 2016, l’emploi occupé par Annabelle avait été supprimé suite à la perte du contrat avec le lycée privé du Sacré-Cœur, à Amiens, client d’Elres. L’ex-Générale de Restauration – devenue Avenance puis Elior Restauration – avait alors proposé quatre postes à sa salariée, qu’elle avait tous refusés. Une seconde procédure de licenciement avait donc été engagée, et avait reçu là aussi le feu vert de l’inspection du travail de Loire-Atlantique.
Deux postes à 38 et 90 km de son domicile
« Dans le cas où l’emploi précédemment occupé par le salarié(…) qui demande sa réintégration (…) n’est pas vacant, le refus par ce salarié d’occuper les postes équivalents(…) peut(…) justifier une autorisation de licenciement, rappellent les juges nantais dans leur second jugement.
Un poste équivalent (…) s’entend d’un emploi situé dans le même secteur géographique(…), concernant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière(…) et permettant l’exercice du mandat représentatif», explicitent-ils.
Dans ce cas précis, Elres avait proposé à sa comptable après son second licenciement un poste d’assistant administratif à Liancourt (Oise), un poste de « responsable de point de vente » sans plus de précision, un poste à Doullens comportant pour partie des tâches en cuisine, et enfin le même poste ne comportant plus que des tâches administratives.
« Le lieu d’affectation du poste de responsable de vente n’est pas mentionné, et le troisième des postes (…)comporte des tâches qui ne correspondent ni à la qualification d'Annabelle ni aux tâches effectuées dans sa précédente affectation, constate le tribunal administratif. Les deux autres(…) sont situés (…) à environ 90 km et 38 km de son domicile.»
« Deux réintégrations, c’est exceptionnel »
Or, « deux autres postes correspondant à ses qualifications étaient vacants à Amiens et dans sa périphérie : l’un au centre de formation Promeo, situé dans la zone industrielle Nord d’Amiens et l’autre à Boves, à 18 km d’Amiens, auprès de la société Amazon, relèvent les juges. Par suite, l’employeur(…) n’a pas satisfait loyalement à son obligation de recherche d’un poste équivalent.» Elres devra donc payer 1 500 euros à Annabelle pour ses frais de justice.
« Deux réintégrations ordonnées par la justice, c’est quand même exceptionnel»,a réagi l’intéressée, privée d’emploi depuis quatre ans.
L’affaire n’est toutefois pas finie : Elior a fait appel de l’annulation du premier licenciement, et a jusqu’au 15 avril pour contester celle du second.
Annabelle a aussi porté plainte au pénal contre son employeur pour « discrimination» syndicale. « Le procureur de la République d’Amiens attend la position du Défenseur des droits», a-t-elle indiqué ce jeudi 21 février.
« Je suis une paria »
« Même si je suis une paria là-bas, je vais me battre pour être réellement réintégrée : si je ne le suis pas, je cours vers les minima sociaux d’ici quelques années, insiste cette mère de deux enfants.
Je refuse en outre d’être salie pour de faux prétextes : je n’ai pas été licenciée parce que je faisais mal mon travail, mais parce que j’avais une activité militante.»
Contacté ce vendredi, l’avocat d’Elres Restauration n’a souhaité faire de commentaire suite à l’annulation du second jugement.
Pour rappel, Annabelle s’était fait connaître en 2001 en menant « la plus grande grève à ce jour» au sein de l’entreprise de restauration collective suite au « harcèlement» d’un cadre de l’entreprise.
Elle a monté son propre syndicat en 2016, Elior Elres Nord Ouest, en butte à la fédération CGT : elle reprochait au délégué syndical central d’être «trop proche» de la direction de l’entreprise.
A noter que le délégué syndical central était aussi membre de la commission exécutive de la fédération du commerce et des services mais également à la commission des statuts qui, par la suite, a refusé l’affiliation du syndicat Elior Elres Nord Ouest.
En 2017, la fédération du commerce et des services refusait d’affilier le syndicat Elior Elres Nord Ouest pour des raisons très obscures que nous connaissons et que nous entendons dénoncer dans nos prochains articles.
Ce refus d’affiliation a ensuite conduit l’employeur a annuler les listes Cgt aux élections professionnelles des camarades du syndicat Elior Elres Nord Ouest. La suite nous la connaissons, sans aucun mandat Annabelle a été licenciée pour la seconde fois.
Deux réintégrations ordonnées par la justice est exceptionnel, elles ne font curieusement pas l’objet d’une seule communication de la part de la fédération du commerce et des services.
Y aurait-il des choses à occulter ?
La suite dans un prochain article en attendant la communication fédérale.
A voir également la lutte d'Alice GORLIER chez ONDULYS