Défaut de fixation des objectifs : un salarié obtient le montant maximal de part variable

Paru dans Liaisons Sociales, N° 16423 du 12/09/2013 Bibliothèque : l’actualité Rubrique : RÉMUNÉRATION Sous Rubrique : Salaire

Lorsque l’employeur n’a pas fixé, sur un exercice donné, les objectifs permettant au salarié de bénéficier de la part variable de rémunération prévue au contrat, le juge détermine habituellement le montant de celle-ci par référence aux objectifs des années précédentes. Mais lorsque le salarié quitte l’entreprise dans l’année de son embauche, la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 10 juillet, que la prime puisse être retenue pour son montant maximal prévu au contrat.

Lorsque le contrat de travail pose le principe d’une rémunération variable tout en renvoyant à l’employeur le soin de fixer unilatéralement les objectifs à atteindre pour en bénéficier, ce dernier a tout intérêt à indiquer rapidement au salarié, en début de période, les éléments de calcul de la prime et les objectifs concrets à réaliser. Si le salarié est laissé dans l’incertitude, c’est en effet le juge qui fixera le montant de la part variable à accorder en fonction des éléments dont il disposera, notamment les objectifs des années précédentes.

Dans un arrêt rendu le 10 juillet 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation a néanmoins admis une technique plus radicale et dissuasive lorsqu’il n’est pas possible de se référer aux objectifs antérieurs : si le seul élément à disposition des juges est un montant maximal de part variable indiqué dans le contrat de travail, c’est ce montant qui pourra être retenu dans son intégralité. Contrat rompu durant la période d’essai

Le contrat de travail d’un directeur administratif et comptable embauché en novembre 2008 prévoyait une rémunération annuelle fixe, payable par douzième, de 80 000 € et une part variable d’un montant maximum de 10 000 € versée en fonction de la réalisation « des objectifs qui lui seront précisés ».

Trois mois plus tard, sa période d’essai ayant été rompue, l’ancien salarié a réclamé en justice le paiement de l’intégralité de la part variable, soit 10 000 €. Contrairement à ce qu’avait prévu le contrat de travail, l’employeur ne lui avait en effet jamais précisé quels étaient les objectifs à atteindre et les modalités de calcul de la prime.

D’après l’employeur, dans la mesure où le salarié avait été congédié durant la période d’essai faute de donner satisfaction, il allait de soi que les objectifs n’auraient pas été atteints et qu’aucune part variable ne pouvait donc lui être accordée; et quand bien même le droit à part variable serait reconnu par la juridiction, son montant devait être proratisé compte tenu du départ en cours d’exercice. Octroi du montant maximal prévu au contrat

Les juges du fond, suivis par la Cour de cassation, ont condamné l’employeur au paiement intégral du montant maximal de part variable prévu au contrat (10 000 €). Faute pour l’employeur d’avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, les juges n’avaient en effet aucun autre élément à disposition pour fixer la part variable. Dans la plupart des contentieux, le juge fixe ce montant en tenant compte notamment des objectifs des années précédentes et des données de la cause (Cass. soc., 13 juillet 2004, n° 02-14.140 ; Cass. soc., 13 janvier 2009, n° 06-46.208). Mais, ici, le procédé ne pouvait être retenu dans le cas d’un salarié ayant quitté l’entreprise dans l’année de son embauche. Il pourrait d’ailleurs en aller de même d’un salarié dont les objectifs annuels n’ont pas été fixés plusieurs années de suite.

Les magistrats ont par ailleurs refusé de proratiser le montant de 10 000 € en fonction du temps de présence du salarié, en retenant que le contrat de travail ne fixait lui-même aucune période de référence.

Cette décision témoigne de l’extrême sévérité des juges à l’égard des employeurs qui ne prennent pas la peine de fixer les objectifs dont dépend le bénéfice de la rémunération variable, celle-ci étant un élément essentiel du contrat de travail. En 2011, la Haute juridiction a même précisé que ce manquement justifie à lui seul la prise d’acte de la rupture, quand bien même le salarié aurait pu saisir le juge pour pallier la carence de l’employeur (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-65.710, v. Juris. Hebdo. n° 148/2011 du 21 juillet 2011).

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